La libération nécessaire de la parole des opprimés, ou pourquoi l' »expert » doit se taire.

Salut, on est des experts !

Salut, on est des experts !

« Compatir n’est pas pâtir » est une expression que toutes les féministes connaissent bien. Elle signifie qu’on peut bien tenter de comprendre et de se représenter une oppression (en l’occurrence ici, l’oppression des femmes), mais tant qu’on ne l’a pas expérimentée soi-même, on ne sait pas réellement de quoi on parle. Si cela semble évident, on constate qu’en général, la parole des opprimés est passée sous silence quand celle des non-opprimés/oppresseurs est systématiquement mise en avant. Prenez n’importe quel émission télévisée (et il y en a eu beaucoup) à propos du port du voile, par exemple :  la plupart du temps, on se demande où étaient les femmes voilées parmi tous ces « experts » de la question (en général des hommes, non musulmans). Tout au plus, dans certains cas, on invitait une musulmane, non voilée de préférence, histoire de signifier qu’on avait bien fait les choses. Même topo s’agissant des questions touchant aux discriminations raciales  : pour faire bonne figure, il y a toujours au milieu d’invités racisés une personne blanche, généralement issue de la sphère intellectuelle, qui ramène sa fraise. Je ne dis pas qu’on ne peut pas avoir d’avis sur une oppression qu’on ne subit pas, ni même que l’avis d’un non-opprimé ne puisse pas être intelligent. Mais je suis irritée de cette tendance qui consiste à refuser de faire entendre la seule parole des opprimés sans convoquer celle du non-opprimé, comme si, en elle-même, elle n’était pas légitime. Comme s’il fallait systématiquement que cette parole soit soutenue par un non-opprimé pour être valide – ou, pire, comme s’il fallait nécessairement la réfuter histoire de bien montrer que l’opprimé exprime un point de vue forcément biaisé. Bien souvent, cela conduit à la minimisation de l’oppression, voir à sa négation. Parce que oui, nier ou diminuer la parole des opprimés, c’est nier l’existence ou l’importance de l’oppression dont ils sont victimes.

C’est comme si moi, femme non musulmane et non voilée, on m’invitait sur un plateau de télévision pour parler des discriminations islamophobes. Personnellement, je n’ai jamais vu une femme voilée se faire insulter, ni se faire discriminer à l’embauche. J’en déduis donc que non, les discriminations islamophobe n’existent pas, ou si peu. Et me voilà tranquillement en train d’expliquer à des millions des téléspectateurs que la France n’a à mon sens aucun problème fondamental avec ses citoyens musulmans, parce que si elle en avait, je le saurais. A celle qui me répond que quand même, sa sœur qui porte le voile est souvent prise à partie dans la rue, ne trouve pas d’emploi et est regardée de travers par les grands-mères dans le bus? Elle exagère, voyons, il y a certes quelques employeurs racistes et mamies réacs, mais enfin, pas de quoi en faire un fromage. Fin du débat, merci, bonsoir, l’expert a parlé, et il sait mieux que vous ce que vous vivez au quotidien, car son point de vue est LE point de vue. C’est pour cela que les débats ou discussions qui traitent d’une question soulevée par les féministes m’affligent, car ça ne rate jamais, sont systématiquement invitées pour s’exprimer sur le sujet des personnes qui n’ont pas la moindre idée de ce dont elles parlent, en général des hommes qui 1/débarquent de la lune ou 2/ sont carrément des détracteurs du féminisme. Et, plus que le sujet qui devait être discuté, c’est la réalité de l’oppression qui est remise en cause (et, avec elle, la légitimité même du mouvement féministe). Cas d’école (vécu en direct, et plusieurs fois), un débat sur le harcèlement de rue : une féministe souligne le caractère insupportable et discriminant du harcèlement et la nécessité d’y mettre fin, et des types en face arguent que 1/ c’est juste de la drague un peu lourde et/ou que 2/ c’est le fait d’hommes de « cultures différentes » (chez nous, on respecte les femmes). L’existence dans notre société de représentations mentales persistantes qui objectivisent les femmes comme autant de joujoux éventuellement disponibles pour ces messieurs sont ainsi niées, par deux processus bien connus de celles qui subissent régulièrement le mansplaining (ou mecsplication/mexplication en français, c’est-à-dire un mec qui vient t’expliquer d’un ton condescendant que tu es complètement à côté de la plaque et qu’il sait mieux que toi ce que tu vis en tant que femme) : 1/ minimisation ; 2/ invalidation par rejet de la responsabilité sur un autre que soi.

C’est déjà énervant dans le privé lors de discussions informelles, mais force est de constater que l’explication de l’ »expert » non-opprimé est une institution, on ne sait pas fonctionner sans sa sacro-sainte opinion. Parce que dans une société donnée, l’opprimé est nécessairement minoritaire (et ce, numériquement  – le musulman par exemple–, ou symboliquement – comme la femme –, ou encore les deux à la fois) et, par conséquent, nous ne sommes pas habitués à l’entendre parler pour lui-même, et de lui-même. Ecouter la parole de l’opprimé n’est pas « normal », au sens où ce n’est pas dans les normes. De fait, cette parole est a priori soupçonnée de n’être pas réellement crédible, et il faut qu’on se réfère à la norme, à notre fameux « expert » pour avis (l' »expert » absolu, chez nous, c’est l’homme blanc, quel que soit le sujet à débattre, sauf peut-être la capacité d’absorption des serviettes hygiéniques, et encore). Si la parole de l’opprimé est validée par l’expert, elle devient audible. Si elle est invalidée, non seulement elle est renvoyée dans le néant, mais en plus, on discrédite le ressenti et l’expérience de la personne qui s’est exprimée. Et c’est très violent pour l’opprimé. Le deuxième facteur qui rend la parole de l’opprimé difficilement audible est le malaise ressenti par ceux qui sont dans le camp des oppresseurs/ privilégiés lorsqu’ils sont mis face à la réalité. Le premier réflexe du non-opprimé, c’est la minimisation. Pour lui, l’oppression n’est pas tangible ; partant, elle ne doit pas être si grave que ça, il en déduit donc que l’opprimé exagère et qu’il est un peu paranoïaque. Quand le non-opprimé est aussi oppresseur, c’est pire : reconnaître son statut de privilégié est difficile, voire impossible pour certains. Encore une fois, l’opprimé exagère, et l’oppresseur refuse de reconnaître qu’il est partie prenante d’un système qui entérine l’oppression. En conséquence, il nie l’oppression et discrédite la parole de l’opprimé.

Pour prendre mon cas personnel, la première fois que j’ai entendu/lu ce que disaient représentants des Indigènes de la République, ça m’a fait tout drôle. J’ai pensé qu’ils abusaient, que ce qu’ils disaient était un tantinet agressif (ça ne vous rappelle pas quelque chose, amies féministes, hum?), parce que, c’est un fait, de leur point de vue de minorité, en tant que blanche dans une société à majorité blanche je fais partie de la catégorie des oppresseurs/privilégiés. Et je n’ai pas été à l’aise. Mon esprit n’était pas formé à écouter la parole de personnes qui remettaient en cause la structure de mon monde, la vision que j’avais de lui, la position que j’y occupais. Alors oui, de prime abord, ça fait chier, mais je me suis aperçue 1/que ce n’était pas grave du tout et 2/ que c’était un tout petit mal pour un grand bien, comme une pilule difficile à avaler sur le coup, mais dont les effets bénéfiques vont se prolonger dans le temps. Et quand on y réfléchit deux secondes, est-on menacés dans notre intégrité par la parole de l’opprimé ? Non. Celui qui est menacé dans son intégrité, c’est lui, l’opprimé. Pas moi. Quand une personne racisée dit qu’elle se sent opprimée dans une société blanche, ce n’est pas une déclaration de guerre contre les blancs. Quand une femme dit être opprimée par un système patriarcal, ce n’est pas une déclaration de guerre contre les hommes. Souligner que l’autre possède des privilèges qu’on n’a pas, et qu’il est peut-être partie prenante ou bénéficiaire d’un système inégalitaire, ce n’est pas une agression. Il est au contraire salutaire qu’on nous mette parfois face à des phénomènes qui nous seraient restées invisibles.

Ou plutôt, non, please, don't ask.

Ou plutôt, non, please, don’t ask.

Car que sait-on d’une oppression quand on est tranquillement assis sur ses privilèges ? Pas grand-chose. En conséquence, on a le droit d’écouter et de prendre acte, mais surtout pas d’expliquer à l’autre comment il est censé vivre son oppression, et de quelle façon il doit s’y prendre pour y mettre fin. On peut prendre le parti de l’opprimé, soutenir son combat, mais il faut garder à l’esprit que quand on est blanc dans une société blanche, on n’est pas légitime pour parler de ce que vivent les personnes racisées au quotidien. Quand on est un homme dans une société patriarcale, on n’est pas légitime pour parler de ce que vivent les femmes. Quand on est hétérosexuel dans une société hétéronormée, on n’est pas légitime pour parler de la discrimination dont souffrent les gays/lesbiennes. Il faudrait être assez humble et intelligent pour comprendre à la fois que ce n’est pas parce qu’une oppression est invisible à nos yeux qu’elle n’existe pas et qu’on ne peut jamais parler à la place de l’autre. Il faudrait également être assez humble et intelligent pour cesser de donner à tort et à travers son avis sur tout, sans réfléchir, cesser de s’exprimer  du point de vue de l’ « expert », celui qui ne remet jamais sa position en question, pour la bonne raison qu’il n’a jamais eu à l’interroger. Car l’expert a l’habitude que l’ « autre », ce ne soit pas lui ; il s’imagine en toute bonne foi (et bien le pire) être un référent neutre. En effet, on souligne toujours d’où parle l’opprimé (on indique que tel auteur de tel livre est une femme, quand on n’indique jamais qu’il s’agit d’un homme, par exemple) sans jamais préciser d’où parle l’oppresseur/non-opprimé. Car l’oppresseur/non-opprimé, et toute la cohorte de ses semblables, présupposent à tort (et en général de façon inconsciente) que ce qu’il sont n’a aucun impact sur leur point de vue. Le dominant s’imagine souvent que l’expérience du dominé est limitante car justement réductible à sa condition de dominé (d’où la remise en cause, par exemple, de l’opinion d’une femme, suspecté d’être biaisée du seul fait d’être féminine, quand celle de l’homme serait davantage objective), sans se rendre compte que son propre point de vue est tout aussi limitant. Quand un homme blanc/hétéro parle,  il n’est pas neutre : il s’exprime à partir de sa position d’homme blanc/ hétéro, position qui pèse dans sa parole, car elle modèle son expérience et sa perception du monde. Alors on se demande bien, foutredieu, comment il peut s’imaginer parler en toute connaissance de cause et endosser sans douter une seule seconde le rôle de « celui qui sait » quand il s’agit de s’exprimer sur un sujet auquel, de par sa position, il est étranger.

Je rêverais qu’on n’invite que des femmes pour parler de l’oppression des femmes ; qu’on laisse des personnes racisées s’exprimer à propos de ce que signifie être noir/maghrébin/musulman aujourd’hui en France, sans expert à la mord-moi-le-noeud comme médiateur, ou qui leur oppose du racisme anti-blanc. Où on laisserait parler librement ceux qui ne peuvent jamais s’exprimer autrement qu’en étant parasités. Car écouter la parole de l’opprimé, c’est comprendre avant tout qu’on s’exprime à partir d’une position de non-opprimé ; c’est accepter en l’occurrence de taire son point de vue pour prendre acte de celui de l’autre qui, contrairement à nous, vit concrètement son oppression ; c’est accepter ce point de vue, également, comme davantage valable que le sien propre à ce sujet. Et ça se travaille.

La drague

Un bar, une tablée de mecs.

Une jolie fille entre. Tout de suite, l’inévitable connivence masculine. Les regards qu’ils se jettent les uns aux autres avec un sourire entendu, les coups de coude, les hochements de tête approbateurs. C’est au chasseur qui capturera la proie le premier. Cette proie, on ne sait pas grand chose d’elle, sinon qu’elle est assez bonne dans son jean moulant. Ça aurait pu être une autre, ou sa cousine. Elle répond à peu près aux critères esthétiques et aux critères de baisabilité auxquels demande à une femme digne de ce nom de répondre. Alors, l’un se lance. Il se glisse à côté d’elle, au bar, et fait une blague. Les blagues, ça marche toujours bien pour un premier contact, ça détend l’atmosphère. La fille rit franchement. Ou alors elle rit avec moins de conviction, mais elle a été conditionnée à être polie et à rire aux blagues des garçons, alors bon. Elle rit, c’est bon signe, elle ne le jette pas direct. Il prend place sur le tabouret à côté du sien. Il lui demande pourquoi elle est toute seule dans ce bar, c’est peu commun, une fille qui sort seule. Elle dit qu’en fait elle attend une copine. Deux pour le prix d’une, l’autre sera peut-être aussi canon, avec un peu de chance, peut-être même davantage, d’ailleurs. Il dit que lui, il est avec des copains, mais bon, tu sais, ils sont un peu lourds. Les mecs entre eux, tu vois. Elle dit qu’elle voit, en riant un peu. Lesdits copains discutent un peu en observant la scène du bar. Est-ce qu’il va réussir à obtenir son numéro? Il lui demande son prénom et lui donne le sien. Il n’est pas lui-même : il en rajoute, il joue un jeu, il a revêtu un uniforme à mi-chemin entre celui du mec cool et superman. Il parle plus fort, il prend l’air sur de lui, il ment un peu sur ses responsabilités au boulot. Et New York, tu connais ? Lui, il y est allé deux fois, c’est dément. Il adore. Il ne dit pas ce qu’il a envie de dire mais ce qu’il croit qu’il faut dire. Il se comporte de la façon dont il croit qu’il faut se comporter pour draguer une fille. C’est comme s’il y avait deux boutons : un bouton mode « normal », qui dicte celui qu’il est dans la vie de tous les jours, quand il est juste un être humain ; un bouton mode « drague », qui fait de lui un être nécessairement sexué, un mâle, celui qui pêche des filles. Car on ne pêche rien en étant juste soi-même, en étant un être humain. Pour pêcher, il faut instaurer ce qu’on appelle un rapport de séduction, afficher d’emblée la sexualisation du face-à-face. Faire un peu le coq. Pourquoi? Il ne se l’est jamais demandé. Il fait comme on lui a appris, comme ses aînés lui ont appris, comme la société lui a appris. Et puis, les filles aiment ça, tout le monde le sait.

Un autre bar, une tablée de nanas.

Il est plaisant, ce type accoudé à l’autre bout du bar. Elle lui jette quelques oeillades lorsqu’il finit par regarder dans sa direction. Elle lui fait un petit sourire et détourne les yeux. Quand elle le regarde de nouveau, ses yeux à lui n’ont pas bougé, il la fixe toujours. Elle passe la main dans ses cheveux et fait semblant de parler à ses copines. Au bout de quelques minutes de ce jeu là, elle se lève pour aller aux toilettes. Elle en profite pour vérifier son maquillage dans le miroir, et se retourne pour être sure que son cul est encore là et que sa culotte ne fait pas de marque. Elle se remet un peu de gloss. Au retour, elle passe à côté du bar, il la voit et lui sourit. Elle s’arrête à sa hauteur, il lui demande s’il peut lui offrir un verre. Elle accepte. Elle s’asseoit sur un tabouret, croise les jambes et tire sur le bas de sa robe. Ce n’est pas confortable, et puis la position l’oblige à rentrer le ventre. Quelle idée d’avoir mis cette tenue, elle lui moule les bourrelets quand elle se penche. Mais bon, elle met en valeur ses jambes. En buvant son mojito à la paille, elle le regarde profondément dans les yeux. Elle tortille une boucle de cheveux. Elle se déplace subtilement sur le tabouret et ne bouge plus. Le pied chaussé de talons hauts pointant vers l’extérieur, son bon profil sous le nez du type, elle se demande s’il vaudra mieux, le cas échéant, aller chez lui ou chez elle. Elle est partie en laissant tout en bordel, mais chez elle, elle a du démaquillant (les yeux de panda le matin, c’est limite). S’ils vont chez lui, elles espère qu’il n’habite pas trop loin, à cause des ses talons : pour marcher, quelle galère. Elle se félicite de s’être épilé le maillot la semaine dernière. Elle gigote encore un peu sur le tabouret qui lui fait mal aux fesses, se mordille les lèvres et glousse un peu. Elle joue un jeu, elle en rajoute. Elle a endossé son uniforme de séductrice des grands chemins, ça brille mais ça l’enserre un peu trop. Mais c’est comme ça qu’on pêche les garçons : tant pis si on est entravée et qu’on a l’estomac comprimé, il faut être belle, s’offrir aux regards, gueule de sainte-nitouche et corps de bombe sexuelle. On ne pêche rien en étant juste soi-même, en étant un être humain. Pour pêcher, il faut instaurer ce qu’on appelle un rapport de séduction, afficher d’emblée la sexualisation du face-à-face. Pourquoi? Elle ne se l’est jamais demandé. Elle fait comme on lui a appris, comme ses aînées lui ont appris, comme la société lui a appris. Et puis les mecs aiment ça, tout le monde le sait.

Touche pas à leur pute : quand les 343 auraient mieux fait de se taire.

Je rentrais, bien contente, d’une petit échappé en terre espagnole, repue de paella et les cheveux pleins d’embruns de la Costa Brava, quand, en jetant un coup d’oeil aux réseaux sociaux, je suis tombée sur le dernier fait d’arme de Beigbeder, Zemmour et autres (vrais) mâles du même acabit (il y a dans le tas le légitime de Frigide Barjot, ça laisse rêveur tout de même) : le manifeste des 343 salauds pour qu’on ne touche pas à « leur » pute. Autant te dire que j’ai fait des bonds jusqu’au plafond, couru vingt fois d’un bout à l’autre de l’appart pour me calmer les nerfs et manqué aller foutre le feu aux poubelles dans la rue.

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Je passe sur l’insulte faite par ces minables aux 343 femmes courageuses qui défendaient le droit à l’avortement quand celui-ci était interdit, alors qu’eux ne risquent strictement rien. Pour l’instant, seul le nom d’une petite vingtaine des 343 est public. On a tout de même du mal à croire que plus de 320 autres mous du bulbe aient apposé leur signature au bas de ce torchon qui appelle à la « liberté » pour les putes et les clients. Ben oui, parce que les putes et les clients, même combat évidemment, même amour du sexe libre mutuellement consenti avec appétit contre l’échange de quelques billets. L’ironie de la chose, c’est que ce pitoyable manifeste soulève un tollé de tous les côté : chez ceux qui n’avaient pas vraiment d’avis sur la question comme dans le camp des abolitionnistes et au sein du STRASS.  Ainsi, Morgane Merteuil écrivait hier :

« Abjecte, votre refus de reconnaître vos privilèges, et votre discours anti-féministe qui voudrait nous faire croire que vous êtes les pauvres victimes des progrès féministes : alors que vous défendez votre liberté à nous baiser, nous en sommes à défendre notre droit à ne pas crever. La pénalisation des clients, en ce qu’elles condamne de nombreuses femmes à toujours plus de clandestinité, n’est certainement pas un progrès féministe, et c’est à ce titre qu’en tant que putes nous nous y opposons. Car c’est bien nous putes, qui sommes stigmatisées et insultées au quotidien parce que vendre des services sexuels n’est pas considéré comme une manière « digne » de survivre. Nous, putes, qui subissons chaque jour les effets de la répression. Nous, putes, qui prenons des risques pour notre vie, en tant que clandestines dans cette société qui ne pense qu’à nous abolir. Alors n’inversez pas les rôles, et cessez donc de vous poser en victime, quand votre possibilité d’être clients n’est qu’une preuve du pouvoir économique et symbolique dont vous disposez dans cette société patriarcale et capitaliste. » 

Mais il ne faut pas s’énerver, Morgane. L’appel des 343 serait, paraît-il de l’humour. C’est vrai que c’est très drôle : les dominants ultimes de notre société (ils sont hommes, blanc, cisgenres, hétérosexuels, riches et médiatiques) en train de militer pour défendre LEUR liberté sexuelle, LEUR « désir », LEUR « plaisir ». Désopilant, non? Avec dans le texte des perles en veux-tu en voilà, en premier lieu l’amalgame entre la position abolitionniste et le puritanisme moralisateur. Parce qu’évidemment, pour eux, le gouvernement défend l’abolition de la prostitution parce qu’il n’a que ça à foutre que de s’insérer dans les histoires de fesses de la populace. Il faudrait sans doute leur expliquer que la bien-pensance et l’éthique ne sont pas la même chose. Ils défendent également « le droit de chacun à vendre ses charmes » (mettons) mais rajoutent « et d’aimer ça ». Bien sûr. Parce que les putes AIMENT se prostituer, c’est bien connu. De là à dire qu’avoir un rapport sexuel tarifé avec eux, c’est du pur plaisir, il n’y a qu’un pas, allègrement franchi. Les 343 crétins voudraient nous faire croire que les prostituées adoooorent coucher avec leurs clients – c’est à se demander pourquoi on les paie, d’ailleurs. C’est quand même savoureux d’essayer de faire passer la prostitution pour une activité glamour et fun quand ce qui les intéresse manifestement (sans jeu de mot) est que les hommes puissent librement disposer d’un corps quand bon leur semble, point barre, parce que faut pas déconner, c’est quand même leur droit inaliénable de mâles. Certains d’entre eux, d’ailleurs, n’ont jamais fait appel aux services d’une prostituée : certainement, la simple hypothèse qu’il n’y ait plus de corps de femmes à disposition contre rémunération dans notre société les froisse terriblement – quand j’y pense, ça me froisse aussi : où va le monde? Mais bon, heureusement qu’ils fustigent le sexe sans consentement et la traite des êtres humains. Ouf, on a eu chaud. C’est qu’ils sont gentlemen, en fait !

Il y a peut-être pire que les 343 : Elisabeth Lévy, directrice de la réaction de Causeur, le rouleau de PQ magazine qui leur tient lieu de tribune. Pire, parce qu’en soi, que les privilégiés défendent leurs privilèges n’est guère surprenant. Mais quand une femme jubile à l’idée « d’emmerder les féministes », mes vannes à mépris s’ouvrent encore plus grand. Vous avez raison, Madame Lévy, emmerdez avec votre ami Frédéric les féministes, ces coincées du cul qui font partie du grand club des « peine-à-jouir » (sic) de la gauche. Et puisque vous les emmerdez si bien, je propose qu’on vous retire tous les droits qu’elles ont obtenus par la lutte et dont vous profitez chaque jour : vos droits juridiques vous seront donc retirés au profit de votre mari, à qui vous devrez obéissance. Vous ne pourrez plus voter, ni ouvrir un compte en banque sans l’autorisation de Monsieur votre époux. Vous serez payée moins que vos homologues masculins – d’ailleurs, non, vous ne travaillerez même plus, puisque votre rôle est d’être à la maison à vous occuper de vos huit gosses, que vous aurez eu suite à l’arrêt de votre pilule contraceptive (pas de contraception pour vous, et pas d’IVG non plus, évidemment, c’est un crime contre l’Etat). Ne venez pas vous plaindre si vous êtes victime de violence conjugale : ça n’existe pas, votre mari à tous les droits. Vos diplômes. Quels diplômes? Les femmes ne vont pas à l’université, quelle drôle d’idée. Puisque vous emmerdez les féministes, elle peuvent bien vous emmerder aussi un peu, non? La grande bonne nouvelle de tout ça, c’est que votre torchon de magazine disparaîtra peut-être avec vos droits.

L’argument que vous avancez pour justifier cette bonne blague de manifeste des 343, c’est que « le désir masculin n’est pas répréhensible en soi ». Mais qu’elles sont connes ces féministes : en plus de manquer d’humour et de ne s’intéresser « qu’au partage des tâches ménagères » (vous prouvez par cette affirmation votre grande connaissance du féminisme), elle pensent qu’il faut réprimer le désir masculin. Leur lutte pour l’égalité des droits entre hommes et femmes, contre la violence, l’oppression, les injonctions sociales aliénantes pour les deux sexes, est une couverture pour dissimuler leur but réel : castrer les pauvres hommes, leur couper les parties, les vider de leur testostérone. Oui, c’est contre l’abject, vicieux et sale désir masculin qu’elles luttent. Mais vous, Elisabeth, vous défendez le droit des hommes à se décharger les burnes contre monnaie sonnante et vous méprisez à raison les féministes pour leurs luttes idiotes. Vous menez ce noble combat qui défend la « cause des hommes » – parce qu’un homme, ça va aux putes, ça en a le droit, et ce droit, il est urgent de le réaffirmer contre une position qui menace leur liberté fondamentale et leur dignité d’être humain.

Comment vous expliquer ? Si pour vous « désir masculin », « cause des hommes » et « achat d’un acte sexuel tarifé » sont une seule et même chose, laisse-moi vous dire qu’il vous manque une case. Si le désir masculin n’est pas répréhensible en soi (heureusement), il est encore heureux qu’il y ait des personnes avec davantage de jugeote que vous pour interroger les limites et le droit de ce désir à être satisfait, quand il implique l’exploitation du corps d’un autre être humain, de la misère et/ou le cautionnement de réseaux mafieux, la perpétuation de rapports de domination et de pouvoir. Mais si vous préférez rire de tout ça, libre à vous, après tout  : rira bien qui rira le dernier, et vous regretterez peut-être un jour de vous être vautrée dans la fange avec les signataires de ce lamentable manifeste, surtout quand vous aurez jeté un coup d’oeil sur ce que sont certains clients de prostituées (on plaindrait presque ceux qui sont terriblement désappointés car la fille ne prend aucun plaisir avec eux, dites donc). Ou simplement quand vous aurez réfléchi un peu.

Pourquoi je suis (dans l’idéal) abolitionniste.

Je suis, dans l’idéal, abolitionniste. Je suis donc pour l’abolition de toute forme de prostitution, qu’elle soit subie (c’est la majorité des cas) ou « choisie » (mettons-nous d’accord, dans la majorité des cas il s’agit d’un choix économique. Pour un témoignage à propos de la prostitution « choisie », je vous renvoie par exemple chez Mélange Instable).

Je me demande encore comment un être humain peut avoir ne serait-ce que l’idée d’acheter (ou plutôt louer, pour le coup) le corps et le sexe d’un autre. Certains avancent l’argument suivant : « Dans ce cas, interdisons le travail de caissière/femme de ménage, car c’est la même chose, les patrons usent du cerveau et du corps de leurs employés de manière différente ». Sur le fond, je suis d’accord : je suis personnellement contre le fait qu’une personne doive toute sa vie durant occuper un emploi abrutissant de caissière, c’est pourquoi je suis en faveur d’un revenu universel garanti, seule alternative, selon moi, à un modèle de société qui marche sur la tête. De l’autre côté, il s’agit d’un argument qui suinte en général la mauvaise foi, car il insinue qu’être caissière ou prostituée, grosse modo, c’est la même chose. Si c’était vrai, toutes les caissières se prostitueraient, puisqu’ à la fois c’est « la même chose » et qu’en plus « on gagne davantage » (juste en écartant les jambes, rendez-vous compte comme c’est simple, hein). Or, tout le monde sait bien que ce n’est pas la même chose. A part ça, j’aimerais également bien voir ceux qui défendent leur droit à aller voir des prostituées et le droit d’une société à cautionner la prostitution aller se prostituer eux-mêmes, puisque  tu comprends, c’est un métier comme un autre, et moi les putes je les respecte, etc..

Si on me demandait mon avis, je dirais évidement qu’il faut non pas interdire la prostitution, mais interdire de s’offrir les services d’une prostituée. Comment contrôler ça dans les faits? Je ne sais pas : c’est bien là que le bât blesse, c’est là la limite des campagnes abolitionnistes. Comment abolir la prostitution dans un système social tel que le nôtre, capitaliste et patriarcal? La question de la suppression de la prostitution doit interroger en parallèle les fondements de notre système social et de notre système de pensée, ce n’est pas une bête question d’interdire pour interdire, ou de moralisme sexuel. Une société qui accepterait sans rechigner d’éradiquer la prostitution serait une société qui aurait pré-acquis un véritable sens de l’égalité sexuelle et humaine. C’est aussi pour ça qu’on est mal barrés. Notre société est trop pleine d’inégalités sociales et sexuelles pour que la question de l’abolition ne provoque pas de tollé, que les abolitionnistes ne se fassent pas traiter de coincés du cul, de bobos bien pensants ou de fascistes liberticides. Peut-être n’avons nous pas encore non plus les moyens de mettre en place des alternatives, car évidemment, dans l’idéal, une société qui veut abolir la prostitution doit s’en donner les moyens. Il ne suffit pas de pondre une loi, mais il serait bon d’élaborer de vrais programmes de reconversion pour les prostitué(e)s (on peut aussi proposer une solution aux licenciés des usines délocalisées au Vietnam, en passant, parce que ce seront peut-être ces chômeuses là qui tomberont dans la prostitution). Sinon, c’est un coup dans l’eau. Celles et ceux qui n’ont pas le choix économiquement continueront à s’y livrer.

Que faire, donc? Si je doute fort de l’utilité d’une amende et la possibilité de pénaliser les clients (on se demande bien quels moyens utiliser : demander à chaque prostituée de se déclarer et poster un flic derrière elle? Soyons sérieux.), je pense néanmoins qu’il est nécessaire de faire passer d’une manière ou d’une autre le message suivant : NON, cet être humain là n’est pas une enveloppe de chair que tu peux utiliser à ta guise, et même s’il veut bien se vendre à toi car il a besoin d’argent, tu ne peux pas l’acheter, c’est interdit. On ne peut pas convoquer tous les clients potentiels en réunion pour leur expliquer qu’acheter de la baise sur contrat, c’est merdique, que c’est cautionner un système pourri qui accepte qu’une fille se vende pour ne pas crever de faim, et qu’être à l’aise avec ça comme si on n’y était pour rien, c’est faire taire de façon minable sa mauvaise conscience. La solution est sans doute dans l’éducation : au féminisme, mais également aux rapports de pouvoirs et de domination en général (c’est un pléonasme, le féminisme contient tous ces aspects).

La précarité est l’argument central du discours anti-abolitionniste : que vont devenir les prostituées si elles n’ont plus de clients? C’est en effet une question cruciale, cela étant, je trouve qu’elle témoigne souvent d’une mauvaise foi hallucinante. A chaque fois que je lis les commentaires des articles traitant de la question de la prostitution, je retrouve toujours la même rengaine : les internautes s’insurgent de la future précarité des prostituées. Sauf qu’il ne faut pas me la faire : l’internaute lambda prêt à défendre le droit des putes à vendre leur cul, en temps normal, se fout absolument de la précarité de la prostituée – et il semble oublier que la prostituée est DEJA dans la précarité. Cet argument profite bien aux clients, qui doivent être le premier à le brandir pour défendre leur sacro-saint droit à aller se « taper une pute ». On vit dans une société de profit, dans laquelle on délocalise/ferme des usines ou des entreprises, laissant des tas de chômeurs sur le carreau. Les laissés-pour-compte font comme ils peuvent, et ça ne provoque par de tollé national, juste, parfois, un minimum d’indignation. Que deviennent les ouvriers quand ils n’ont plus d’usine? Tout le monde s’en fout. Quand on touche à la prostitution, c’est la levée de bouclier, alors que c’est exactement la même chose, dans le fond. Si on interdit d’acheter du sexe, ça fera des chômeuses, mais qu’on ne me dise pas que ça empêche tout le monde de dormir. Quel est le problème, alors? Mon petit doigt me dit que le débat sur la prostitution touche aux fondements du patriarcat. Et ça ma bonne dame, il y en a plein que ça emmerde.

Le fait que les prostitueurs sont quasi tous des hommes devrait tout de même nous faire tiquer. La prostitution est un phénomène sexo-spécifique. Elle est une manifestation, en particulier, de la domination sociale et sexuelle des hommes sur les femmes et, en général, de ceux qui ont de l’argent sur ceux qui en ont un besoin impératif. Elle est la résultante et la manifestation la plus extrême (et la plus visible) d’une société patriarcale, marchande et inégalitaire qui trouve normal qu’un corps humain puisse être acheté (avec de l’argent, des cadeaux, ou autre). Parce qu’en soi, faire une gâterie à son mec, non pas parce qu’on en a envie, mais pour qu’il soit disposé à vous offrir ceci ou cela (parce que bon, c’est l’homme qui paie, c’est normal tu vois), c’est exactement la même chose, avec une différence de niveau – les « sentiments » en plus et l’impératif de survie en moins. Au risque de choquer, je pense que tant que la pipe intéressée sera considérée comme normale, la prostitution le sera sans doute aussi, et vice versa, parce qu’on trouve normal que le sexe fasse partie d’un échange marchand et que le corps des femmes et/ou des faibles soit potentiellement à disposition de tous les autres (en gros, les hommes et/ou puissants). Notre système de pensée et notre système social est pourri jusqu’à l’os, on accepte depuis des lustres que certains se vendent pour satisfaire les désirs de ceux qui ont été conditionnés pour réclamer satisfaction – et qu’on a été conditionné à devoir satisfaire.

Il est épineux de raisonner en termes abstraits, car la prostitution est tout sauf une abstraction pour ceux qui la vivent. Pour moi la prostitution est clairement un symptôme d’une société de classes, patriarcale, capitaliste et désolidarisée. Tout ce qui me défrise, en fait, un mélange de domination sexuelle et économique, d’individualisme et de réification de l’autre. C’est d’ailleurs pourquoi je n’arrive pas, mais vraiment pas à comprendre comment le NPA peut pondre un article comme celui-ci. La prostitution est culturelle, c’est une invention du patriarcat, un commerce laissé à celles et ceux qui ne peuvent rien pratiquer d’autre (à lire, cet article). Ce n’est pas le « plus vieux métier du monde », pour reprendre ce cliché débile et infondé, ça ne répond pas à non plus un « besoin social ». C’est comme si on disait que tel produit non vital mis sur le marché répondait à un besoin social, alors que si on le retirait du marché, plus personne n’en achèterait et ce serait comme ça. Parce que non, le sexe consommé via la prostitution, ce n’est pas vital, c’est un peu comme les home-cinema, c’est un luxe qu’on se paie quand on a des thunes à claquer. Sauf qu’un être humain, ce n’est pas un écran plasma, même si on envie d’en faire un objet qui ferme sa gueule et fait ce qu’on lui demande.

Si la prostitution répondait vraiment à un « besoin social », il y aurait aussi des masses de prostitués pour les femmes (certes, les gigolos existent, mais ils sont peu nombreux en comparaison, ça aussi c’est un argument de mauvaise foi). Et pourquoi y’en a pas, ma bonne Lucette? Parce que la prostitution répond à l’assouvissement non pas d’un « besoin social », mais d’une envie masculine, si tu saisis la nuance. Oui, le social, c’est toujours masculin, bizarrement. On arrive au fameux argument de la pulsion masculine irrépressible et autres « si on interdit la prostitution, le nombre de viols va augmenter, les hommes deviendront des prédateurs affamés », bref on a saisi l’idée (les hommes sont incapables de se tenir dis donc, ils sont pire que des bêtes). Les « pulsions » de l’homme, c’est de la foutaise qui dissimule une vérité toute simple : on a éduqué les hommes à manifester leur désir, et les femmes à le retenir. Et ce n’est pas parce qu’une femme n’a pas visiblement la trique (c’est pas de notre faute, hein, on est faites comme ça) qu’elle a moins envie de sexe, ou qu’elle a un besoin impératif de sentiments pour baiser. Ça, se sont des constructions culturelles qu’on peut déconstruire. Ce n’est pas parce qu’on souhaite qu’un désir soit satisfait que la société doit cautionner ça. Parfois je suis tellement en colère que j’ai envie de me défouler sur quelqu’un, mais ça ne me viendrait pas à l’idée de payer une personne, même consentante, pour lui défoncer la gueule. La loi considèrerait d’ailleurs que je porte atteinte à l’intégrité d’autrui. Mais la prostitution, c’est pas pareil. La prostitution, c’est NORMAL (tu l’interroges, là, ton rapport à la normalité?). On trouve normal que le corps d’une partie de l’humanité soit potentiellement mis à la disposition de l’autre moitié pour qu’elle assouvisse ses désirs. Le corps des femmes DOIT être à disposition, c’est comme ça. Il DOIT y avoir des corps de femmes disponibles contre de l’argent, n’importe quand (de manière générale, même sans contrepartie, les femmes, dans les société patriarcales, sont potentiellement à disposition des hommes, c’est pour ça qu’on nous aborde dans la rue quand on y s’y balade seule ou entre femmes, qu’on insiste pour obtenir nos faveurs, qu’on se permet de nous faire des commentaires à voix haute sur notre physique, que le viol conjugal est reconnu depuis très peu de temps, ou encore qu’on est toutes des salopes potentielles, donc si en plus on nous paie, où est le problème?).

T’as vu la prostitution c’est trop glamour.

Sauf que consommer de la prostitution, on peut s’en passer, et affirmer le contraire, c’est du grand n’importe quoi. Les femmes s’en passent depuis toujours, pourtant (scoop) les femmes aiment autant le sexe que les hommes (si, si, je vous assure). La misère sexuelle est à mon avis un faux argument, comme si tous les clients étaient de pauvres hommes délaissés de la quéquette. Et si misère sexuelle il y a parfois, tant pis. Les miséreux sexuels seront laissés pour compte. C’est triste pour eux, mais si c’est le prix à payer pour une société sans prostitution, il est bien maigre. Qu’on ne me ressorte pas non plus l’argument des personnes handicapées qui auraient un besoin impératif de la prostitution, car il s’agit encore et toujours d’hommes. Par ailleurs, tous les handicapés n’ont pas besoin de faire appel à la prostitution pour coucher ou avoir une compagne, merci pour eux. On n’a jamais cherché à soulager les femmes de leur misère sexuelle, et, que je sache, elles n’ont pas mis le pays à feu et à sang pour ça, ne se sont pas entretuées comme des bêtes sauvages sous prétexte qu’elles ne pouvaient pas donner libre court à leurs « pulsions » – car, je me répète, elles ont été éduquées à contenir ces pulsions. Mais on préfère cautionner la prostitution, aveuglé par le mythe du besoin masculin et de la prostituée comme « soupape de sécurité » sociale (il faut que la pute soit là pour que les pulsions des hommes ne soient pas dirigées vers les honnêtes femmes), plutôt que d’éduquer les hommes à contrôler leurs désirs et/ou leur besoin de domination. En fait, on préfère que rien de change, ça remettrait trop de choses en cause, à commencer par la conception qu’on a des rapports entre les sexes.

Je ne veux pas vivre dans une société qui opère un clivage entre les femmes et les putes, avec des putes qui ne sont pas des femmes « comme les autres », mais des morceaux de viande (joliment emballés, mais morceaux de viande tout de même) qu’on peut acheter, un déversoir des désirs, frustrations, fantasmes que l’homme ne peut assouvir avec une « pas pute » (pourquoi, on se le demande, d’ailleurs. C’est si compliqué de parler de ses fantasmes avec son partenaire?). Certains parviennent bien à assouvir leurs fantasmes gratuitement, entre adultes consentants : pourquoi certains types préfèrent payer une femme/un homme à qui, au pire, ils inspirent du dégoût ou qui, au mieux, n’en a rien à foutre d’eux (parce que non, client, la prostituée, en général, ne s’intéresse pas à ta vie, elle fait SEMBLANT, tu es peut-être un chic type dans la vie de tous les jours, mais en l’occurrence, là tu es juste un client elle a juste besoin d’argent)? Vraiment, pourquoi? Parce que c’est facile, pas prise de tête, parce que c’est excitant, parce que ça montre que « t’as vu, je fais ce que je veux avec mon argent », ou que « j’ai des couilles », parce que ma femme n’accepte pas la sodo, parce que je suis un mâle et que j’ai des « besoins »? Il faudrait peut-être cesser de faire passer ses « envies » et ses « besoins » avant toute considération éthique, cesser de s’imaginer que parce qu’on paie l’autre on a rempli sa part du contrat, donc on peut fermer les yeux sur tout le reste.

Je ne suis pas abolo par puritanisme, parce que « oh mon Dieu say maaal ». Le sexe, c’est très bien, mais la prostitution c’est du sexe à sens unique.  Si on peut appeler sexe le fait de posséder, ou faire faire ce qu’on veut, à quelqu’un qui ne vous désire pas. J’ai lu, toujours sur le blog de Mélange Instable, le commentaire suivant à l’un de ses articles : « Je me prostituais par amour du sexe facile ». Je ne sais pas si c’est un fake ou pas, mais je suis désolée, 1/ la prostitution, en général, ce n’est pas du sexe « facile » et 2/ on n’a pas besoin de se prostituer pour obtenir facilement du sexe. Je ne perpétuerai pas le mythe (tenace) selon lequel une femme peut avoir quand elle veut le mec qu’elle veut (c’est faux), mais si on passe une annonce pour dire « femme cherche sexe facile gratuitement », il y aura surement des tonnes de réponses. Et si ton fantasme c’est payer/te faire payer pour baiser, tu peux aussi en faire un jeu érotique, à la manière des mises en scène de soumission/domination dans les clubs et donjons SM, où chacun se respecte et où le cadre garantit la sécurité. Evidement, ça nécessite une éducation préalable, en premier lieu celle du respect du désir de son partenaire – cet aspect dont la prostitution est exempte et qui arrange bien les clients, qui paient pour voir leur désir satisfait sans avoir à prendre en compte celui de l’autre.

Si j’entends bien les arguments économiques, si je sais que sans la prostitution certaines femmes ne pourraient actuellement pas survivre, je sais aussi dans quel genre de société j’ai envie de vivre. Et ce n’est pas dans une société réglementariste : je suis absolument contre la réglementation, on a vu ce que ça a donné ailleurs (et si vous ne le savez pas, les chiffres sont disponibles un peu partout sur le net). La réglementation est pour moi la pire des solutions, la moins éthique, la plus inacceptable d’un point de vue institutionnel. Quant à la liberté individuelle restreinte (parce qu’on va évidemment me sortir qu’on doit laisser à ceux qui veulent vendre leur cul la possibilité de le faire en paix), j’ai envie de dire que les lois, en général, restreignent certaines « libertés », c’est le principe. Pour le bien commun, pour faire avancer la société. Je crois que comme toutes les femmes, j’ai déjà pensé à ce que devait être la prostitution (comment c’est/ est-ce que j’en serais capable si un jour../ c’est sûr je trouverais ça horrible/ mais peut-être que ce n’est pas si dur que ça/ et comment elles font, les prostituées, pour supporter ça?/non mais attend c’est dégueulasse/ il y en a peut-être qui aiment ça, après tout? etc., etc.). Et bien rien que le fait d’y avoir pensé est totalement aberrant. Ce que je voudrais, c’est vivre dans une société où, si me venait l’idée de me prostituer, AUCUN homme ne serait prêt à me payer ; une société où ces hommes-là me regarderaient avec des yeux ronds en me traitant de cinglée; une société où ce serait totalement impensable. Je suis convaincue qu’un petit garçon élevé dans une société dans laquelle il n’est même pas pensable de s’offrir du sexe avec de l’argent, voit les femmes d’un oeil tout à fait différent de celui élevé dans un monde où un corps est potentiellement achetable. De même, une petite fille qui grandit dans une société sans prostitution aura une vision d’elle-même bien différente de celle qui sait qu’elle pourrait, potentiellement, se vendre à des hommes pour survivre. Plus encore, je voudrais vivre dans une société dans laquelle l’idée même de me prostituer ne me serait jamais venue à l’esprit. On est d’accord, il y a du boulot.

Les insultes et les coups.

Copyright inconnu

Copyright inconnu

Elle a appris bien plus tard qu’il était ce qu’on appelle un pervers narcissique. Les premiers signes sont apparus très vite, au bout de quelques jours, sous la forme d’une crise jalousie sans fondement, au cours de laquelle il lui a annoncé très violemment qu’il la quittait. Elle était effondrée, elle l’a supplié de ne pas partir, a cherché à lui faire comprendre que ce n’était qu’un malentendu. Il est revenu. A partir de ce jour, ils ont vécu dans un rapport de force permanent. Sa violence morale à lui s’est tout d’abord manifestée par des rabaissements perpétuels : elle n’était jamais assez bien, toujours trop « commune », « banale », pas assez intelligente, pourvue d’un esprit limité. Paradoxalement, ces phases de dévalorisation alternaient avec d’autres au cours desquelles il la portait aux nues : elle était brillante, elle écrivait magnifiquement bien, elle valait infiniment mieux que lui. Elle aurait dû remarquer plus tôt qu’il n’avait aucune considération pour elle, ni pour quiconque d’ailleurs. Le seul qui comptait à ses yeux, c’était lui.

Les insultes sont venues très vite, doublées d’un comportement paranoïaque. Il était persuadé qu’elle le trompait, voulait tuer tous ses ex. Il lui faisait des esclandres pour un rien, ne montrait aucune empathie quand elle pleurait – il prenait au contraire un malin plaisir à provoquer des crises de larme et à la torturer. Il surveillait ses moindres faits et gestes, si bien qu’elle avait fini par perdre toute spontanéité, calculer tout ce qu’elle faisait par crainte de lui déplaire, se sentir coupable de choses qu’elle n’avait pas faites. Elle ne sait même pas pourquoi elle a accepté de l’accompagner dans son pays d’origine, où elle ne connaissait personne. Elle y a passé l’été le plus angoissant de toute sa vie. C’est là-bas qu’il l’a frappée pour la première fois, elle s’en souviendra toujours. Il l’avait, pour la nième fois, insultée, traitée de « sale » et de « pute ». A bout, elle l’avait giflé. En réponse, elle a reçu un flot d’insultes et une pluie de coups sur la nuque, six au total. Cette nuit-là, elle a quand même dû dormir près de lui, car elle n’avait pas le choix. Elle aurait pu s’enfuir, mais elle n’a pas eu le courage. Et puis pour aller où ? Cet été là son corps a lâché avant sa tête, elle a été victime d’une grosse infection qu’elle a dû faire soigner à l’hôpital. Sa première réaction à lui a été, évidemment, de s’énerver, comme si c’était de sa faute, à elle.

Quand ils sont rentrés en France, elle est restée avec lui. Aussi incroyable que ça puisse paraître, ce genre de personnes fait que  l’autre se sent fautif : on s’imagine mériter ce qu’on subit, parce qu’on est trop ceci, pas assez cela, on croit que c’est notre comportement qui pose problème. Peu à peu, on s’éteint, on perd toute joie de vivre, toute sérénité, toute spontanéité, mais on ne peut pas quitter. On se sent coupable à l’idée de quitter quelqu’un qui sait si bien se traîner à nos genoux après nous avoir insulté(e), on se sent petit(e), sans valeur, fragile.

Ils se sont séparés et remis ensemble un nombre incalculable de fois, elle partait mais finissait toujours par se faire avoir et revenir. Elle persistait à faire croire à ses parents que tout allait à peu près bien. Elle en a voulu après coup à pas mal de monde de n’avoir pas su ou pu la protéger contre lui, mais elle sait que dans ces cas là, on est seul à pouvoir s’aider. Il aura fallu qu’il recommence à la frapper pour qu’elle le quitte, il lui aura fallu attendre qu’il la laisse pisser le sang sur un trottoir après lui avoir cassé le nez et défoncé l’œil pour un motif imaginaire. Il lui aura fallu prendre conscience que la prochaine fois il la tuerait certainement, craindre réellement pour sa survie pour tirer un trait sur cette histoire.

Elle a porté plainte. Après de longs mois il a été condamné à payer des dommages et intérêts. Le plus ironique, c’est qu’elle était revenue tant de fois qu’il ne pouvait pas croire qu’elle partirait pour de bon. Et jusqu’au bout, il n’a pas compris le mal qu’il lui avait fait, jusqu’au bout c’est lui qui s’est érigé en victime. Bizarrement, ce coup de poing a été une délivrance. Dans son malheur elle a eu de la chance. Il n’est pas agréable de se faire frapper, évidemment, mais si sa violence s’était arrêtée à la violence verbale, elle ne s’en serait peut-être jamais sortie. Les coups font mal, mais ce qui détruit le plus, c’est la violence psychologique qui les précède souvent et les accompagne, car elle est insidieuse, invisible (il était si charmant en public) et détruit à petit feu. Certains hommes ou femmes s’en tiennent à cette violence verbale, mais souvent, il s’agit du premier pas vers la violence physique.

Les conseilleurs ne sont jamais les payeurs, mais si elle a une chose à dire aujourd’hui, c’est qu’au moindre signe de maltraitance morale ou physique au sein d’un couple, il faut partir sans se retourner. On ne DOIT PAS accepter de s’éteindre, de passer ses soirées à pleurer, de ne pas être pris en considération, de calculer ses moindre faites et geste, de vivre dans la crainte de déplaire à l’autre, de s’éloigner de ses amis, d’en arriver à croire qu’on ne vaut rien, de perdre sa confiance en soi. Si vous en êtes là, ou même un peu avant, tournez les talons, sans regret, peu importe les sentiments, peu importe la passion, peu importe la bonne entente préalable, peu importe les moments d’accalmie, car vous savez bien que ce ne sont que des gouttes d’eau dans l’océan de violence, d’appréhension et de peur que vous vivez au quotidien. Ce ne sont que des trêves avant le déferlement, encore, des insultes et des coups, avant la prochaine scène où vous vous retrouverez à vous protéger le visage, à faire le dos rond, à l’entendre vous traiter de salope, peut-être même devant les enfants. Avant qu’il s’excuse et pleure de nouveau pour vous faire culpabiliser. Puis recommence à vous insulter/frapper. C’est sans fin.

Partez. Allez chez n’importe qui, vos parents, un(e) ami(e), une tante, une association. Si vous vivez seul(e), fermez-lui votre porte à tout jamais. Faites-le avant de ne plus savoir qui vous êtes, avant de mourir à l’intérieur, avant de vous laisser détruire par un(e) con(ne) qui comble ses propres failles narcissiques en vous prenant pour un punching-ball ou des chiottes publiques. En ce qui la concerne, tout ça s’est passé il y a presque huit ans, elle a depuis rencontré et aimé des hommes merveilleux. Si quelqu’un vous fait croire que personne à part lui/elle ne peut vous aimer, qu’il/elle est ce qui vous est arrivé de mieux, que jamais vous ne pourrez trouver quelqu’un qui vous aime aussi fort, sachez que ce n’est pas vrai. C’est ce qu’ils disent TOUS. L’amour ne consiste pas à violenter l’autre, mais à le protéger contre toutes sortes de violences ou à se tenir à ses côtés quand elles adviennent. 

Partez, ayez ce courage là. On s’en sort, et vous valez INFINIMENT mieux que ça.

Liberté de conscience?

Lu dans le Monde d’aujourd’hui : « Le président François Hollande a reconnu mardi 20 novembre « la liberté de conscience » aux maires qui refuseraient de célébrer des mariages entre personnes du même sexe si la loi le prévoyant était votée. »

Bon. Il n’est pas encore 9h du matin et je sors complètement de mes gonds. Donc si notre bonne République décidait que tout citoyen peut s’unir civilement avec qui bon lui semble, certains maires pourraient décider, comme on peut refuser de porter les armes, d’être objecteurs de conscience et de refuser de marier ce couple.

Hum… Pardon?

On pourrait ne pas appliquer la loi en vertu de nos principes idéologiques maintenant ? En tant que propriétaire, je ne loue pas mon appartement à des musulmans car ma conscience de catholique me le dicte. En tant qu’employeur, je n’embauche que des hommes car selon mes principes idéologiques et moraux les femmes doivent rester à la maison. En tant que maire, je décide de ne pas attribuer de logement social à ce couple qui pratique l’échangisme car ils sont totalement décadents, l’amour se fait à deux, priorité à ceux qui ne dérogent pas de nos bonnes vieilles valeurs morales.

Je crois que là, François Hollande vient d’ouvrir la porte à toutes les fenêtres. Parce que la loi est applicable par tous, et sûrement pas optionnelle sous prétexte qu’on n’est pas d’accord avec elle. Certains personnes aident des clandestins par choix idéologique, et la loi ne prévoit pas la liberté de conscience pour humanisme. Certains fauchent des champs pleins d’OGM, et finissent en prison, et la loi ne prévoit pas de liberté de conscience pour protection de la santé publique et refus de faire de nous tous des cancéreux à terme. Et on voudrait autoriser un maire à ne pas marier un couple, lui reconnaître une liberté de conscience pour… pour quoi, d’ailleurs ? Pour dégoût de rapports amoureux entre personnes du même sexe ? Par horreur de la sodomie ? Parce que vivre avec une femme quand on est une femme c’est inadmissible ? Parce qu’on refuse que ce mariage offre au couple le futur droit d’adopter un enfant qui serait beaucoup mieux structuré s’il avait un papa et une maman ?

Je suis complètement hors de moi, et je me pince pour me persuader que j’ai bien lu ce que j’ai lu. (Aïe) (Ah oui, pas de doute.)

Le harcèlement de rue.

Le video de Sofie Peeters circule sur tout le web : étudiante en cinéma, la jeune femme a décidé de consacrer des travaux de fin d’étude au sexisme qui sévit dans la rue. Depuis son arrivée à Bruxelles et son installation dans un quartier défavorisé de la capital belge, elle n’a en effet cessé de se faire aborder, harceler, insulter dans la rue. Son travail a été présenté au Journal Télévisé belge et la machine s’est emballée. On en parle partout, sa video Femme de la rue sera projetée dans plusieurs festivals cet été, la Belgique s’est même émue du « recul des droits des femmes » et semble vouloir prendre le problème à bras le corps en instaurant une amende pour injure sexiste (on se demande bien comment la loi va pouvoir être appliquée, mais enfin…). Le phénomène a bien sûr atteint la France, et depuis quelques jours, le harcèlement de rue fait les choux gras des magazines féminins. Glamour sortait vendredi dernier un article « Le harcèlement de rue : et vous, ça vous arrive?« , témoignages de femmes à l’appui.

Si d’un côté je suis assez contente qu’on en parle, les bras m’en tombent quand je vois tous les journalistes ou hommes politiques s’étonner de la chose, être outrés et décréter qu’il faut que ça change, comme s’il s’agissait d’un phénomène nouveau. Vous vous rendez compte, les femmes se font harceler dans la rue? Tu parles d’une nouvelle ! Je me suis rendue à Bruxelles pour un colloque il y a quelques années, j’ai traversé ledit quartier défavorisé montré dans la vidéo, et j’ai effectivement pu me rendre compte que la Belgique concurrençait presque la France à ce niveau-là. Mais soyons clairs, depuis que je suis ado, je me fait emmerder dans la rue, on me jette en pleine face, ou plus insidieusement, une fois que je suis passée, des propos sexistes, sexuels, insultants. Je vis ce que vit n’importe quelle femme, qu’elle soit jeune, un peu moins jeune, belle, moins gâtée, en jupe courte ou en jogging, qu’elle réside en France ou en Belgique (je ne me prononcerai pas sur les autres pays européens, ne m’y étant jamais rendue seule et ne pouvant donc juger ce qu’il en est ailleurs), quartier défavorisé ou pas, d’ailleurs.

Si les femmes de la génération précédent la mienne (j’ai trente ans) semblent attester que pendant les années soixante-dix, elles se faisaient siffler dans la rue mais trouvait cela plutôt amusant car ça ne débordait pas souvent, de nos jours se faire prendre pour un bout de viande dans l’espace public est devenu monnaie courante. Je ne connais pas une seule femme à qui ce n’est pas arrivé. Je peux même vous dresser un palmarès des meilleurs phrases entendues par mes amies ou moi : un « Tu me suces? » au distributeur de billets, un « J’ai envie de te lécher la chatte » au beau milieu d’une place très fréquentée », un « huuum, belle poitrine! » sur un boulevard, des « salopes » ou « sale chienne » par centaines au feu rouge quand on se fait interpeller par des mecs en voiture et qu’on ne daigne pas répondre à leurs interpellations brutales et graveleuses, des propositions insistantes qu’on doit refuser fermement pendant cinq bonnes minutes avant qu’on nous lâche enfin la grappe. Et je ne compte par les regards muets et salaces, de ceux qui vous jaugent comme une marchandise, qu’on peut rencontrer un peu partout et tout le temps. Le harcèlement de rue, ce n’est pas franchement pas nouveau, et il serait peut-être temps, en effet, de s’y intéresser en tant que phénomène social d’envergure, parce que sincèrement, l’inconfort qu’il génère, la peur parfois, il y en a plus que marre.

Le reportage de Sofie Peeters est sur Youtube (voici la première partie ici), n’hésitez pas à le regarder. La réalisatrice, ayant constaté que les agressions dont les femmes étaient victime étaient très souvent le fait d’hommes d’origine étrangère, s’interroge (et en interroge certains) sur le pourquoi du comment, et souligne également le machisme qui sévit dans notre société occidentale où les femmes sont soi-disant les égales des hommes.

Histoire de rire un peu (ou pas), je vous laisse avec cette video d’ Osez le féminisme qui met bien en scène la bêtise crasse des « relous » qui nous hèlent dans la rue. Cependant, je trouve qu’elles y sont allées mollo, car la scène ne dit pas la violence des propos et les insultes. Nous savons toute que la réalité est parfois bien pire que ça : VieDeMeuf : Les Relous par osezlefeminisme